freinage par L'induction
La loi de la chute des corps nous apprend que, dans le vide, le kilo de plumes tombe exactement aussi vite que le kilo de plomb - dans l'air, on le sait, les plumes descendent moins vite que les plombs à cause de la
résistance aérodynamique.
Ce retour au sol à vitesse accélérée est donc exactement le même quels que soient la forme ou le poids de l'objet. Il a toutefois fallu les expériences de Galilée (1590) pour le prouver, car, jusque-là, tout le monde croyait qu'un objet lourd tombait plus vite. Mais, comme nous allons le vérifier, tout change - même dans le vide - si l'objet est aimanté et qu'on le lâche dans un tuyau métallique. Bien sur, il ne s'agit pas de lâcher un aimant dans un tuyau de fer sur lequel il se collerait tout de suite sans jamais arriver en bas ; même chose avec le nickel ou le cobalt, qui sont ferromagnétiques. En revanche, on peut faire l'essai avec un tube de cuivre, de laiton, d'aluminium, d'or ou d'argent ; du moment qu'il s'agit d'un matériau conducteur non aimantable, l'expérience est concluante. Elle est de plus fort simple ; elle consiste à prendre divers cylindres massifs en cuivre, en pierre, en acier, en Nylon et autres dont l'un est aimanté. On laisse tomber ces cylindres dans des tubes de cuivre ou de plastique, étant entendu que leur diamètre intérieur est nettement supérieur à celui des cylindres de façon qu'il n'y ait pas ralentissement par frottement. On vérifie sans mal qu'un morceau de plomb, par exemple, tombe aussi vite à l'intérieur du tube qu'à l'extérieur, et qu'il n'y a aucune différence dans le temps de chute selon que le tube est en cuivre ou en plastique. On constate de même que le plomb descend aussi vite que le cuivre ou la pierre. En revanche, si on lâche en même temps dans deux tubes conducteurs placés côte à côte un cylindre de plomb et un cylindre aimanté, on voit le plomb arriver en bas bien avant l'aimant. La différence est immédiatement perceptible et ne réclame aucun appareil de mesure pour être mise en évidence : avec un tube de seulement 60 cm, l'aimant arrive près de trois secondes après le plomb. Au premier essai, on pense d'ailleurs à un incident de parcours (aimant coincé dans le tube) ou à une mauvaise observation du phénomène. C'est en répétant l'expérience plusieurs fois, et avec des matériaux différents, que l'on constate que seul l'aimant est freiné dans sa chute. On en déduit, fort justement, que l'aimantation doit être pour quelque chose dans ce retard, ce qui permet de redécouvrir les courants induits, souvent appelés dans ce cas courants de Foucault. Rappelons qu'Oersted découvrit en 1819 que tout courant électrique circulant dans un conducteur engendre autour de ce conducteur un champ magnétique. Quelque temps plus tard, Faraday mit en évidence le phénomène réciproque : une variation de champ magnétique au voisinage d'un conducteur y engendre un courant. Ce courant a une propriété très spéciale, comme le découvrit Lenz en 1834 : il s'oppose à l'action qui lui a donné naissance. Le fait peut sembler inamical, mais il s'accorde à cette loi très générale de la physique qui veut qu'on ne puisse produire d'énergie à partir de rien - d'où l'impossibilité du mouvement perpétuel ; d'où aussi l'explication du freinage de l'aimant descendant à travers un tube conducteur. Pour mieux comprendre le phénomène, il faut considérer les deux actions concomitantes du courant créé par une variation de champ magnétique et du champ créé par un courant. Quand un aimant se déplace devant un conducteur (qu'on va supposer en anneau) il y a création d'un courant ; à son tour, ce courant engendre un champ magnétique. Mais, comme l'avait découvert Heinrich Lenz, ce champ a une direction opposée à celui de l'aimant. Imaginons, par exemple, que l'on dispose d'un aimant vertical dont le pôle nord est en haut et le pôle sud en bas ; on fait descendre cet aimant vers un anneau : il y a variation du champ à travers la boucle conductrice puisque le champ est d'autant plus intense que l'aimant se rapproche. Un courant commence donc à circuler, qui lui-même engendre un champ de direction opposée : son pôle sud est en haut, son pole nord en bas. Il en découle qu'au fur et à mesure que l'aimant descend vers l'anneau, pole sud vers le bas, il se crée sous lui un champ dont le pole sud est vers le haut ; autrement dit, deux pôles de même signe se font maintenant face. Or, on sait que deux pôles de signe contraire s'attirent, et que deux pôles de même signe se repoussent. Le mouvement de l'aimant tend donc à repousser vers le bas le champ de l'anneau, donc l'anneau lui-même puisque ce champ lui est lié. Une expérience très simple consiste à suspendre un anneau - une alliance, par exemple - à un fil et à approcher vivement un aimant : l'anneau recule, conformément à la loi de Lenz. Inversement, si on éloigne vivement l'aimant, l'anneau suit, car, cette fois, le sens du courant est inversé, et donc aussi la direction du champ qui lui est associé : c'est maintenant un pole nord qui apparaît face au pole sud qui s'éloigne, et il y a donc attraction. Si l'anneau est fixé sur un support quelconque et ne peut donc plus se déplacer, l'action du champ induit va se traduire par une force s'opposant au mouvement de l'aimant : quand il se rapproche, le champ du au courant tend à le repousser ; quand il s'éloigne, le champ induit tend à le retenir. Notons que ces forces sont d'autant plus intenses que le mouvement de l'aimant est plus rapide. En pratique, cela veut dire qu'il faut fournir du travail pour déplacer un aimant au voisinage d'un circuit fermé, en particulier, si l'on fait osciller un aimant devant un anneau, on va créer un courant lui aussi oscillant et d'autant plus intense que les oscillations seront plus rapides - mais il faudra dépenser de plus en plus d'énergie pour entretenir ces oscillations. Cette énergie se retrouve dans l'anneau sous forme de chaleur, puisque le courant élève la température du conducteur par effet Joule. Chose importante, ces courants induits créés par variation d'un champ magnétique au voisinage d'un conducteur se retrouvent toujours quelle que soit la forme de ce conducteur. Nous avons cité un anneau parce que c'est le circuit fermé le plus simple. Mais une pièce de monnaie constitue d'emblée à elle seule une infinité d'anneaux potentiels : si on déplace un aimant devant une pièce de 5 Francs, des courants vont circuler à l'intérieur du métal dans toute sa masse, tournant en rond autour d'un axe immatériel qui est celui du champ magnétique qui leur a donné naissance. D'ailleurs n'importe quel bout de métal fait aussi bien l'affaire : il n'y a nul besoin qu'il soit rond. Ces courants induits sont à la base de toute les machines électriques, mais ils constituent aussi un inconvénient dès qu'ils circulent en dehors des bobinages prévus : ils prennent alors le nom de courants de Foucault. Or, les machines électriques comportent quantité de pièces en métal (axes, carcasses, pièces polaires des électro-aimants, etc.) dans lesquelles vont naître des courants de Foucault qui vont se traduire par un échauffement du métal et par une perte de rendement.
C'est cet effet de frein que nous allons justement mettre en évidence avec la chute d'un aimant dans un tube métallique. Celui-ci peut être considéré comme un empilement jointif d'une myriade d'anneaux conducteurs. Donc, quand on lâche un aimant à l'intérieur, celui-ci avance vers une série d'anneaux, ceux qui sont devant lui, et s'éloigne de ceux qui sont derrière. Le mouvement de chute crée une variation de champ à travers tous ces cercles conducteurs et des courants se mettent à y circuler ; à son tour, le champ du à ces courants repousse le pole de l'aimant tourné vers le bas et attire celui de l'autre extrémité tourné vers le haut. Notre cylindre aimanté est donc simultanément repoussé d'en bas et attiré d'en haut : sa chute est fortement ralentie. Mais nous avons dit que l'intensité des courants induits, et donc celle du champ qui leur est associé était fonction de la vitesse de l'aimant : dès que celui-ci se trouve ralenti, les courants induits diminuent et l'effet de freinage s'estompe. Mais à la moindre reprise de vitesse, il remonte. En pratique, un équilibre s'installe très vite entre ces effets contraires et le barreau aimanté, au lieu de descendre dans le tube à vitesse accélérée, descend à vitesse constante. Il va donc prendre du retard par rapport au barreau de pierre ou de plastique qu'on a lâché en même temps dans le tube voisin. Ce retard est déjà nettement perceptible avec les tuyaux de 60 cm que nous avons retenu pour notre expérience. Mais avec des tubes de quelques mètres, la différence serait encore plus prononcée et atteindrait facilement plusieurs secondes - chose qui paraîtrait magique à ceux qui ne connaissent pas les courants induits. Bien entendu, l'énergie perdue par freinage se retrouve en échauffement du tube. Toutefois, l'élévation de température ne deviendrait perceptible qu'avec des aimants très lourds lâchés à répétition dans le même tube. Notons que ce freinage électricité-aimantation est couramment utilisé pour réduire les oscillations de certains instruments très sensibles genre balance ou aiguille indicatrice de compteurs très précis. Toutefois, la chute ralentie d'un aimant dans un tube de laiton reste le meilleur exemple, car le plus simple, de l'interaction électricité/magnétisme. Sans pile, sans fils et avec un minimum de matériel, on peut vérifier que les courants induits valent un bon parachute - à condition d'être aimanté et de sauter dans un tube. Il faut pour cela un aimant et un tube de cuivre de forte épaisseur. L'aimant doit pouvoir passer librement à l'intérieur du tube pour que les frottements soient les plus faibles possible. Par ailleurs, pour optimiser l'expérience, son poids par rapport à sa puissance doit être correctement choisi. Dans ce dessein, P. Courbier a essayé les divers modèles d'aimants et de tubes disponibles.
Finalement, son choix s'est porté sur un aimant cylindrique en alnico (alliage magnétique à base de fer, nickel, cobalt et aluminium) de la variété désignée chez Arelec par l'appellation commerciale Ticonam. Son diamètre est de 6 mm et sa longueur de 40 mm ; il passe donc aisément dans un tube de cuivre de diamètre intérieur de 7 mm que nous avons choisi de la plus forte épaisseur possible (diamètre extérieur 11 mm). Il est à noter que n'importe quel métal non ferromagnétique conviendrait (aluminium, titane, zinc, plomb, palladium, etc.), mais dans cette épaisseur le cuivre est le plus facilement disponible. Pour que le phénomène que nous voulons mettre en évidence se produise, il faut que les lignes de champ de l'aimant traversent le plus grand volume possible dans le métal comme illustré figure 3. Il est probable que l'effet serait encore plus important si l'épaisseur du tube était augmentée ; mais comme il faudrait alors faire fabriquer des tubes spéciaux forés dans la masse, le gain ne vaudrait pas la dépense. Comme il restait à prouver aux éventuels sceptiques que le facteur épaisseur est déterminant, nous avons ajouté un tube en laiton de 7 x 8 x 600 mm, et aussi un troisième tube en plastique dit PVC qui prouvera simultanément qu'un isolant, faute de conduire le courant, ne peut donner le moindre effet de ralentissement magnétique. Le matériel à réunir pour cette expérience est limité. Outre les éléments habituels du Hobbystyrène - cutter, règle métallique, colle Uhu-Plast, colle cyanocrylate gel, trichloréthylène et polystyrène choc de 2 mm d'épaisseur - il faut : - tube en laiton de diamètre intérieur 7 mm, extérieur 8 mm, longueur 600 mm. - tube en cuivre de diamètre intérieur 7 mm, extérieur 11 mm, longueur 600 mm. - tube en PVC de diamètre intérieur 8 mm, extérieur 10 mm, longueur 600 mm. Ces trois tubes sont disponibles chez Weber Métaux, 9 rue de Poitou, 75003 Paris. Ils peuvent être expédiés franco de port dans toute la France sur envoi préalable d'un chèque de 75,30 Francs. - 2 aimants Ticonam de diamètre 6 mm, de longueur 40 mm ; ils sont disponibles chez Arelec, 71 boulevard de Reuilly, 75012 Paris et peuvent être expédiés franco de port dans toute la France sur envoi préalable d'un chèque de 85 Francs. Dès qu'on dispose de l'aimant et du tube de cuivre, il suffit de quelques secondes pour procéder à l'expérience. Pour cela, maintenir le tube verticalement en laissant 5 cm entre son extrémité inférieure et le plateau d'une table. Puis, au lieu de laisser tomber l'aimant comme on le ferait tout de suite si on n'était pas prévenu, on lâche dans le tube une tige de laiton ou d'acier non aimanté - par exemple un forêt Tivoly de 6 mm de diamètre. On ne sera pas étonné de le voir tomber librement : si l'on ne tient pas compte des frottements ni de la résistance de l'air (ici négligeable), il obéit aux lois de la chute libre formulées par Newton (e = 1/2.gt2). Mais si au lieu d'un simple bout de métal ou de pierre on lâche dans le tube l'aimant Ticonam, Foucault prévaudra sur Newton : l'aimant mettra quelques secondes (trois environ) pour parcourir à vitesse constante, et non plus uniformément accélérée, les 60 cm du tube. On peut répéter l'expérience en laissant tomber l'aimant dans le tube de laiton de faible épaisseur : la chute sera beaucoup moins ralentie, car le champ magnétique de l'aimant agira sur des « anneaux » conducteurs qu'on peut considérer comme moins nombreux, ou de moindre section : la densité des courants induits sera donc plus faible. Mais il ne faudrait pas en conclure qu'en augmentant la section du tube on finirait par arriver à l'arrêt total : on augmente certes la densité d'anneaux conducteurs, mais aussi leur distance à l'axe du champ puisque le diamètre du tube est plus grand. Or, le courant induit dépend de l'intensité du champ, laquelle diminue à mesure qu'on s'éloigne de l'axe. Il y a donc finalement une taille optimale au-delà de laquelle on ne gagne pratiquement plus rien. Afin de rendre cette manipulation plus aisée et plus démonstrative, nous avons rassemblé les trois tubes dans un même ensemble. On commencera par découper les quatre entretoises A1, A2, A3 et A4 et la plaque de base B aux côtes indiquées figure 1. On percera ensuite les trous aux diamètres précisés, puis on assemblera comme indiqué figure 4 les trois pièces A1, A2 et B. Il ne restera plus qu'à introduire les trois tubes et à glisser à leur sommet les deux entretoises A3 et A4 en se reportant à la figure 5. Après avoir vérifié les angles droits et le parallélisme, on collera les tubes déjà en place avec de la colle cyanocrylate type gel. Notre ensemble sera, une heure après, en complet état de marche. Les deux aimants lâchés simultanément dans deux quelconques des trois tubes se conformeront immédiatement aux lois que nous avons évoquées. On s'apercevra toutefois qu'au bout d'une centaine d'expérimentations l'effet diminue d'intensité : le même aimant descend de plus en plus vite. Cette « usure » est normale : sans que le phénomène soit expliqué, on constate que l'aimantation est sensible aux chocs.
Notons aussi que cette expérience peut très bien être présentée comme un tour de magie : celui qui ne connaît pas les effets des courants induits ne devinera jamais pourquoi un petit barreau de fer apparemment bien innocent tombe moins vite qu'un barreau de plomb.
résistance aérodynamique.
Ce retour au sol à vitesse accélérée est donc exactement le même quels que soient la forme ou le poids de l'objet. Il a toutefois fallu les expériences de Galilée (1590) pour le prouver, car, jusque-là, tout le monde croyait qu'un objet lourd tombait plus vite. Mais, comme nous allons le vérifier, tout change - même dans le vide - si l'objet est aimanté et qu'on le lâche dans un tuyau métallique. Bien sur, il ne s'agit pas de lâcher un aimant dans un tuyau de fer sur lequel il se collerait tout de suite sans jamais arriver en bas ; même chose avec le nickel ou le cobalt, qui sont ferromagnétiques. En revanche, on peut faire l'essai avec un tube de cuivre, de laiton, d'aluminium, d'or ou d'argent ; du moment qu'il s'agit d'un matériau conducteur non aimantable, l'expérience est concluante. Elle est de plus fort simple ; elle consiste à prendre divers cylindres massifs en cuivre, en pierre, en acier, en Nylon et autres dont l'un est aimanté. On laisse tomber ces cylindres dans des tubes de cuivre ou de plastique, étant entendu que leur diamètre intérieur est nettement supérieur à celui des cylindres de façon qu'il n'y ait pas ralentissement par frottement. On vérifie sans mal qu'un morceau de plomb, par exemple, tombe aussi vite à l'intérieur du tube qu'à l'extérieur, et qu'il n'y a aucune différence dans le temps de chute selon que le tube est en cuivre ou en plastique. On constate de même que le plomb descend aussi vite que le cuivre ou la pierre. En revanche, si on lâche en même temps dans deux tubes conducteurs placés côte à côte un cylindre de plomb et un cylindre aimanté, on voit le plomb arriver en bas bien avant l'aimant. La différence est immédiatement perceptible et ne réclame aucun appareil de mesure pour être mise en évidence : avec un tube de seulement 60 cm, l'aimant arrive près de trois secondes après le plomb. Au premier essai, on pense d'ailleurs à un incident de parcours (aimant coincé dans le tube) ou à une mauvaise observation du phénomène. C'est en répétant l'expérience plusieurs fois, et avec des matériaux différents, que l'on constate que seul l'aimant est freiné dans sa chute. On en déduit, fort justement, que l'aimantation doit être pour quelque chose dans ce retard, ce qui permet de redécouvrir les courants induits, souvent appelés dans ce cas courants de Foucault. Rappelons qu'Oersted découvrit en 1819 que tout courant électrique circulant dans un conducteur engendre autour de ce conducteur un champ magnétique. Quelque temps plus tard, Faraday mit en évidence le phénomène réciproque : une variation de champ magnétique au voisinage d'un conducteur y engendre un courant. Ce courant a une propriété très spéciale, comme le découvrit Lenz en 1834 : il s'oppose à l'action qui lui a donné naissance. Le fait peut sembler inamical, mais il s'accorde à cette loi très générale de la physique qui veut qu'on ne puisse produire d'énergie à partir de rien - d'où l'impossibilité du mouvement perpétuel ; d'où aussi l'explication du freinage de l'aimant descendant à travers un tube conducteur. Pour mieux comprendre le phénomène, il faut considérer les deux actions concomitantes du courant créé par une variation de champ magnétique et du champ créé par un courant. Quand un aimant se déplace devant un conducteur (qu'on va supposer en anneau) il y a création d'un courant ; à son tour, ce courant engendre un champ magnétique. Mais, comme l'avait découvert Heinrich Lenz, ce champ a une direction opposée à celui de l'aimant. Imaginons, par exemple, que l'on dispose d'un aimant vertical dont le pôle nord est en haut et le pôle sud en bas ; on fait descendre cet aimant vers un anneau : il y a variation du champ à travers la boucle conductrice puisque le champ est d'autant plus intense que l'aimant se rapproche. Un courant commence donc à circuler, qui lui-même engendre un champ de direction opposée : son pôle sud est en haut, son pole nord en bas. Il en découle qu'au fur et à mesure que l'aimant descend vers l'anneau, pole sud vers le bas, il se crée sous lui un champ dont le pole sud est vers le haut ; autrement dit, deux pôles de même signe se font maintenant face. Or, on sait que deux pôles de signe contraire s'attirent, et que deux pôles de même signe se repoussent. Le mouvement de l'aimant tend donc à repousser vers le bas le champ de l'anneau, donc l'anneau lui-même puisque ce champ lui est lié. Une expérience très simple consiste à suspendre un anneau - une alliance, par exemple - à un fil et à approcher vivement un aimant : l'anneau recule, conformément à la loi de Lenz. Inversement, si on éloigne vivement l'aimant, l'anneau suit, car, cette fois, le sens du courant est inversé, et donc aussi la direction du champ qui lui est associé : c'est maintenant un pole nord qui apparaît face au pole sud qui s'éloigne, et il y a donc attraction. Si l'anneau est fixé sur un support quelconque et ne peut donc plus se déplacer, l'action du champ induit va se traduire par une force s'opposant au mouvement de l'aimant : quand il se rapproche, le champ du au courant tend à le repousser ; quand il s'éloigne, le champ induit tend à le retenir. Notons que ces forces sont d'autant plus intenses que le mouvement de l'aimant est plus rapide. En pratique, cela veut dire qu'il faut fournir du travail pour déplacer un aimant au voisinage d'un circuit fermé, en particulier, si l'on fait osciller un aimant devant un anneau, on va créer un courant lui aussi oscillant et d'autant plus intense que les oscillations seront plus rapides - mais il faudra dépenser de plus en plus d'énergie pour entretenir ces oscillations. Cette énergie se retrouve dans l'anneau sous forme de chaleur, puisque le courant élève la température du conducteur par effet Joule. Chose importante, ces courants induits créés par variation d'un champ magnétique au voisinage d'un conducteur se retrouvent toujours quelle que soit la forme de ce conducteur. Nous avons cité un anneau parce que c'est le circuit fermé le plus simple. Mais une pièce de monnaie constitue d'emblée à elle seule une infinité d'anneaux potentiels : si on déplace un aimant devant une pièce de 5 Francs, des courants vont circuler à l'intérieur du métal dans toute sa masse, tournant en rond autour d'un axe immatériel qui est celui du champ magnétique qui leur a donné naissance. D'ailleurs n'importe quel bout de métal fait aussi bien l'affaire : il n'y a nul besoin qu'il soit rond. Ces courants induits sont à la base de toute les machines électriques, mais ils constituent aussi un inconvénient dès qu'ils circulent en dehors des bobinages prévus : ils prennent alors le nom de courants de Foucault. Or, les machines électriques comportent quantité de pièces en métal (axes, carcasses, pièces polaires des électro-aimants, etc.) dans lesquelles vont naître des courants de Foucault qui vont se traduire par un échauffement du métal et par une perte de rendement.
C'est cet effet de frein que nous allons justement mettre en évidence avec la chute d'un aimant dans un tube métallique. Celui-ci peut être considéré comme un empilement jointif d'une myriade d'anneaux conducteurs. Donc, quand on lâche un aimant à l'intérieur, celui-ci avance vers une série d'anneaux, ceux qui sont devant lui, et s'éloigne de ceux qui sont derrière. Le mouvement de chute crée une variation de champ à travers tous ces cercles conducteurs et des courants se mettent à y circuler ; à son tour, le champ du à ces courants repousse le pole de l'aimant tourné vers le bas et attire celui de l'autre extrémité tourné vers le haut. Notre cylindre aimanté est donc simultanément repoussé d'en bas et attiré d'en haut : sa chute est fortement ralentie. Mais nous avons dit que l'intensité des courants induits, et donc celle du champ qui leur est associé était fonction de la vitesse de l'aimant : dès que celui-ci se trouve ralenti, les courants induits diminuent et l'effet de freinage s'estompe. Mais à la moindre reprise de vitesse, il remonte. En pratique, un équilibre s'installe très vite entre ces effets contraires et le barreau aimanté, au lieu de descendre dans le tube à vitesse accélérée, descend à vitesse constante. Il va donc prendre du retard par rapport au barreau de pierre ou de plastique qu'on a lâché en même temps dans le tube voisin. Ce retard est déjà nettement perceptible avec les tuyaux de 60 cm que nous avons retenu pour notre expérience. Mais avec des tubes de quelques mètres, la différence serait encore plus prononcée et atteindrait facilement plusieurs secondes - chose qui paraîtrait magique à ceux qui ne connaissent pas les courants induits. Bien entendu, l'énergie perdue par freinage se retrouve en échauffement du tube. Toutefois, l'élévation de température ne deviendrait perceptible qu'avec des aimants très lourds lâchés à répétition dans le même tube. Notons que ce freinage électricité-aimantation est couramment utilisé pour réduire les oscillations de certains instruments très sensibles genre balance ou aiguille indicatrice de compteurs très précis. Toutefois, la chute ralentie d'un aimant dans un tube de laiton reste le meilleur exemple, car le plus simple, de l'interaction électricité/magnétisme. Sans pile, sans fils et avec un minimum de matériel, on peut vérifier que les courants induits valent un bon parachute - à condition d'être aimanté et de sauter dans un tube. Il faut pour cela un aimant et un tube de cuivre de forte épaisseur. L'aimant doit pouvoir passer librement à l'intérieur du tube pour que les frottements soient les plus faibles possible. Par ailleurs, pour optimiser l'expérience, son poids par rapport à sa puissance doit être correctement choisi. Dans ce dessein, P. Courbier a essayé les divers modèles d'aimants et de tubes disponibles.
Finalement, son choix s'est porté sur un aimant cylindrique en alnico (alliage magnétique à base de fer, nickel, cobalt et aluminium) de la variété désignée chez Arelec par l'appellation commerciale Ticonam. Son diamètre est de 6 mm et sa longueur de 40 mm ; il passe donc aisément dans un tube de cuivre de diamètre intérieur de 7 mm que nous avons choisi de la plus forte épaisseur possible (diamètre extérieur 11 mm). Il est à noter que n'importe quel métal non ferromagnétique conviendrait (aluminium, titane, zinc, plomb, palladium, etc.), mais dans cette épaisseur le cuivre est le plus facilement disponible. Pour que le phénomène que nous voulons mettre en évidence se produise, il faut que les lignes de champ de l'aimant traversent le plus grand volume possible dans le métal comme illustré figure 3. Il est probable que l'effet serait encore plus important si l'épaisseur du tube était augmentée ; mais comme il faudrait alors faire fabriquer des tubes spéciaux forés dans la masse, le gain ne vaudrait pas la dépense. Comme il restait à prouver aux éventuels sceptiques que le facteur épaisseur est déterminant, nous avons ajouté un tube en laiton de 7 x 8 x 600 mm, et aussi un troisième tube en plastique dit PVC qui prouvera simultanément qu'un isolant, faute de conduire le courant, ne peut donner le moindre effet de ralentissement magnétique. Le matériel à réunir pour cette expérience est limité. Outre les éléments habituels du Hobbystyrène - cutter, règle métallique, colle Uhu-Plast, colle cyanocrylate gel, trichloréthylène et polystyrène choc de 2 mm d'épaisseur - il faut : - tube en laiton de diamètre intérieur 7 mm, extérieur 8 mm, longueur 600 mm. - tube en cuivre de diamètre intérieur 7 mm, extérieur 11 mm, longueur 600 mm. - tube en PVC de diamètre intérieur 8 mm, extérieur 10 mm, longueur 600 mm. Ces trois tubes sont disponibles chez Weber Métaux, 9 rue de Poitou, 75003 Paris. Ils peuvent être expédiés franco de port dans toute la France sur envoi préalable d'un chèque de 75,30 Francs. - 2 aimants Ticonam de diamètre 6 mm, de longueur 40 mm ; ils sont disponibles chez Arelec, 71 boulevard de Reuilly, 75012 Paris et peuvent être expédiés franco de port dans toute la France sur envoi préalable d'un chèque de 85 Francs. Dès qu'on dispose de l'aimant et du tube de cuivre, il suffit de quelques secondes pour procéder à l'expérience. Pour cela, maintenir le tube verticalement en laissant 5 cm entre son extrémité inférieure et le plateau d'une table. Puis, au lieu de laisser tomber l'aimant comme on le ferait tout de suite si on n'était pas prévenu, on lâche dans le tube une tige de laiton ou d'acier non aimanté - par exemple un forêt Tivoly de 6 mm de diamètre. On ne sera pas étonné de le voir tomber librement : si l'on ne tient pas compte des frottements ni de la résistance de l'air (ici négligeable), il obéit aux lois de la chute libre formulées par Newton (e = 1/2.gt2). Mais si au lieu d'un simple bout de métal ou de pierre on lâche dans le tube l'aimant Ticonam, Foucault prévaudra sur Newton : l'aimant mettra quelques secondes (trois environ) pour parcourir à vitesse constante, et non plus uniformément accélérée, les 60 cm du tube. On peut répéter l'expérience en laissant tomber l'aimant dans le tube de laiton de faible épaisseur : la chute sera beaucoup moins ralentie, car le champ magnétique de l'aimant agira sur des « anneaux » conducteurs qu'on peut considérer comme moins nombreux, ou de moindre section : la densité des courants induits sera donc plus faible. Mais il ne faudrait pas en conclure qu'en augmentant la section du tube on finirait par arriver à l'arrêt total : on augmente certes la densité d'anneaux conducteurs, mais aussi leur distance à l'axe du champ puisque le diamètre du tube est plus grand. Or, le courant induit dépend de l'intensité du champ, laquelle diminue à mesure qu'on s'éloigne de l'axe. Il y a donc finalement une taille optimale au-delà de laquelle on ne gagne pratiquement plus rien. Afin de rendre cette manipulation plus aisée et plus démonstrative, nous avons rassemblé les trois tubes dans un même ensemble. On commencera par découper les quatre entretoises A1, A2, A3 et A4 et la plaque de base B aux côtes indiquées figure 1. On percera ensuite les trous aux diamètres précisés, puis on assemblera comme indiqué figure 4 les trois pièces A1, A2 et B. Il ne restera plus qu'à introduire les trois tubes et à glisser à leur sommet les deux entretoises A3 et A4 en se reportant à la figure 5. Après avoir vérifié les angles droits et le parallélisme, on collera les tubes déjà en place avec de la colle cyanocrylate type gel. Notre ensemble sera, une heure après, en complet état de marche. Les deux aimants lâchés simultanément dans deux quelconques des trois tubes se conformeront immédiatement aux lois que nous avons évoquées. On s'apercevra toutefois qu'au bout d'une centaine d'expérimentations l'effet diminue d'intensité : le même aimant descend de plus en plus vite. Cette « usure » est normale : sans que le phénomène soit expliqué, on constate que l'aimantation est sensible aux chocs.
Notons aussi que cette expérience peut très bien être présentée comme un tour de magie : celui qui ne connaît pas les effets des courants induits ne devinera jamais pourquoi un petit barreau de fer apparemment bien innocent tombe moins vite qu'un barreau de plomb.
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