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La Montre A Quartz

 La Montre A Quartz
Avoir toujours au poignet l'heure exacte, quasiment à la seconde près, est chose si ordinaire aujourd'hui qu'on n'y prête plus attention. Or, cette précision de laboratoire, impensable il y a seulement vingt ans, on la doit au quartz, dont le fonctionnement reste beaucoup plus mystérieux que celui d'un balancier d'horloge.
Si l'on excepte quelques passionnés de belles mécaniques qui ont encore au poignet une Rolex ou une Longines, tout le monde porte aujourd'hui une montre électrique à quartz, dont la précision à long terme est considérable : en moyenne, la dérive n'excède guère plus de trois secondes par mois, soit à peine plus d'une demi-minute dans l'année. Autant dire qu'en pratique on n'a jamais besoin de remettre sa montre à l'heure - à part pour les stupides changements d'heure au début et à la fin des beaux jours.
Cette stupéfiante stabilité est si vite entrée dans les moeurs que nul n'y fait plus attention. Pourtant, il y a seulement une vingtaine d'années, il n'y avait que des montres mécaniques à balancier spiral dont les meilleures versions, parfaitement réglées, dérivaient tout de même de ± 2 secondes par jour . Les modèles ordinaires, quant à eux, prenaient facilement quinze secondes par jour, d'où la nécessité de remettre la montre à l'heure toutes les semaines.
En contrepartie, le fonctionnement de ces montres mécaniques était connu de tous, car les horloges à balancier étaient encore courantes et rares ceux qui, dans leur enfance, n'avaient pas ouvert ou démonté un réveil. Le ressort qu'on remontait, le balancier spiral, l'ancre, les engrenages étaient choses familières. Il en va tout autrement avec le quartz qu'on imagine le plus souvent à l'image de ce que fournit la nature, un prisme cristallin transparent terminé par une petite pyramide, genre taille diamant ou pendeloque de lustre.


Comment ce cristal donne-t-il l'heure ? Cela reste un mystère insondable pour beaucoup. Pour lever ce mystère, il faut remonter à 1817, année où l'abbé Haüy, un des fondateurs de la cristallographie, découvre que certains corps cristallisés présentent sur leurs faces des charges électriques dès qu'on les soumet à des contraintes ; autrement dit, dès qu'on tire ou appuie dessus. Il fallut pourtant attendre la communication de Pierre et Paul Jacques Curie à l'Académie des sciences en 1880 pour que ce phénomène, dit de piézo-électricité, soit vraiment connu et quantifié par une loi : la charge électrique recueillie est proportionnelle à la force exercée.
L'année suivante, Gabriel Lippmann montrait que le processus est réversible et que les champs électriques appliqués à certaines faces produisent une déformation du cristal. Parmi les corps piézo-électriques, le plus courant et le plus intéressant est le quartz, qui n'est autre que de la silice cristallisée (oxyde de silicium SiO2). Celle-ci est le minéral le plus abondant sur Terre puisque le sable, le gneiss, le granit, le grès sont à base de silice. L'aspect du quartz tel qu'il se présente à l'état naturel dans les roches est connu : il forme des prismes hexagonaux transparents, terminés par une face pointue. Mais, une fois taillé et poli, il peut prendre toute forme voulue, depuis le cube jusqu'à la sphère. Pour les spécialistes, le réseau cristallin du quartz se repère par trois axes, selon lesquels ses propriétés physiques sont différentes (on dit qu'il est anisotrope) : un axe optique Z dans la longueur du prisme, un axe mécanique perpendiculaire à un couple de faces, et un axe électrique parallèle à ces faces et passant donc par deux arêtes opposées. C'est cet axe électrique qui va nous intéresser ici.
Comme tous les solides, le quartz est élastique, au même titre que le verre, l'acier et la porcelaine. Il peut donc être le siège de vibrations quand on l'écarte de sa position d'équilibre et qu'on l'abandonne, comme un ressort en acier sur lequel on tire brusquement. Mais comme le quartz est piézo-électrique, toute déformation donne naissance à un champ électrique (celui lié aux charges qui apparaissent sur les faces), et réciproquement. Or, une vibration n'est autre qu'une suite de déformations périodiques alternées, lesquelles vont engendrer des courants périodiques alternés - autrement dit, des courants alternatifs. Qui plus est, le quartz étant un cristal très dur, ses fréquences de vibration sont très élevées : des dizaines de milliers de hertz, ce qui met le son engendré par ces vibrations au niveau des ultrasons.
Quand on applique une tension électrique sur les deux faces d'un quartz, il se déforme en flexion, en extension ou en cisaillement selon la disposition des électrodes. Quand on coupe brusquement le courant, il oscille, tout comme une lame élastique sur laquelle on a tiré et qu'on relâche d'un seul coup. Mais, parce que le quartz est piézo-électrique, ces oscillations vont engendrer un courant alternatif de même fréquence que les vibrations.
En couplant de manière appropriée le courant d'entrée, qui va servir à entretenir les vibrations du quartz (tout comme on entretient les oscillations d'une balançoire en donnant une petite poussée à chaque passage), et le courant de sortie, qui va servir à découper le temps, on obtient un résonateur à quartz dont les oscillations ont une remarquable constance. Il ne reste plus qu'à compter ces oscillations pour avoir une horloge.
Il faut bien voir en effet qu'on ne sait pas mesurer le temps de manière continue, comme le ferait une lourde toupie bien lancée, car aucun phénomène rotatif n'est stable à notre échelle. On en est donc réduit, depuis les débuts de l'horlogerie, à fractionner le temps et à compter ces fractions en espérant qu'elles soient toutes rigoureusement égales, ce qui, bien entendu, n'est jamais vraiment le cas. Le balancier des horloges - dont les oscillations sont entretenues par un système de cliquets agissant sur une roue à rochet mue par un ressort ou des poids - découpe le temps en fractions à peu près égales à condition que la température ne change pas (le balancier s'allonge ou raccourcit selon qu'il fait chaud ou froid), que les frottements des engrenages restent constants, etc.
Le balancier spiral des montres et des réveils est soumis aux mêmes problèmes et, sauf pour le matériel de laboratoire, les oscillations sont loin d'être toutes d'égale durée. Comme on mesure le temps en additionnant toutes ces oscillations, les écarts interviennent aussi dans le total et le décompte final s'écarte de plus en plus de l'heure réelle (celle définie par les mouvements astronomiques ou, plus récemment, par les oscillations des atomes).
Avec des horloges à balancier installées dans les sous-sols des observatoires, à l'abri de la moindre secousse, de la plus infime variation de tempé- rature ou de pression, on pouvait réduire ces écarts au point d'avoir une heure plus précise que la rotation de la Terre sur elle-même. Mais avec un bracelet-montre, basculé et secoué toute la journée au bout du bras, la somme des écarts dépassait toujours une seconde au bout de vingt-quatre heures.
Les ingénieurs qui concevaient les mouvements d'horlogerie savaient depuis longtemps que la seule manière de réduire ces écarts était d'augmenter la fréquence du balancier spiral, ce qui était mécaniquement très difficile : une roue oscillant autour de son axe ne peut pas faire des milliers d'aller et re- tour par seconde. En revanche, un simple diapason d'accordeur de piano, vibrant à 440 hertz, aurait constitué un régulateur bien supérieur.
De fait, malgré la difficulté inhérente à la conversion d'une vibration en rotation, il y eut des horloges et même des montres à diapason. Mais, dès les années vingt, les chercheurs pensèrent au quartz qui commençait à être utilisé pour régler la fréquence des émetteurs radio, et dont les vibrations sont de 100 à 1 000 fois plus rapides que celles des diapasons. A partir de 1930, les Allemands Scheibe et Adelsberg mirent au point des horloges de laboratoire dont l'organe régulateur était un barreau de quartz. Les vibrations à 100 000 hertz étaient entretenues par des circuits à lampes triodes. Le comptage des oscillations posait de gros problèmes à cette époque, et pourtant la comparaison des horloges Scheibe avec les meilleures horloges à balancier des observatoires prouvait que le quartz donnait la même précision.
Or, le balancier était au sommet de son art, alors que le quartz n'en était qu'à ses débuts. La Deuxième Guerre mondiale interrompit les recherches ; mais, à partir de 1950, tous les observatoires astronomiques s'équipèrent d'horloges à quartz qui avaient beaucoup progressé et dont la précision dépassait nettement celle des balanciers. L'invention des transistors puis celle des circuits intégrés allaient permettre de miniaturiser cette technique et de lui donner un essor fantastique : les pendules, les réveils, les montres sont quasiment tous aujourd'hui  à quartz.
Il faut dire que le dispositif est d'une remarquable simplicité : un morceau de quartz unique, mis en vibration (le plus souvent à 32 768 hertz, soit 32 768 oscillations/seconde), dont le courant de sortie est compté par des circuits intégrés, similaires à ceux qui font les opérations dans les calculatrices, puis affiché par des cristaux liquides ou des aiguilles commandées par un moteur pas-à-pas.
Dans les montres, le quartz, toujours minuscule, est un diapason dérivé du diapason présenté par Karolus en 1954. Dans les pendules ou les réveils, il a la forme d'une mince pastille. Dans tous les cas, il est enfermé sous vide dans un petit conteneur en cupronickel. Les branches du diapason, ou les faces du disque, sont métallisées par dépôt sous vide d'or, d'aluminium ou de chrome. Ce film métallique sert d'électrodes pour amener le courant sur le quartz.
Le dessin des électrodes est calculé sur ordinateur, car il joue un rôle essentiel dans la qualité du résonateur, le quartz servant à la fois d'oscillateur mécanique et d'isolant du condensateur dont les armatures sont les dépôts métalliques. Il faut bien voir que ce qui change entre la montre à diapason, telle qu'elle a brièvement existé vers 1965, et la montre à quartz actuelle, c'est le mode de comptage des oscillations.
Dans le premier cas, un cliquet attaché à une branche du diapason métallique poussait une dent d'une roue à rochet à chaque oscillation. Dans le second, la vibration mécanique du cristal de silice est transformée en courant alternatif par effet piézo-électrique, et un circuit électronique compte les alternances. Mais, dans les deux cas, il s'agit d'un matériau élastique mis en vibration. La montre mécanique utilise d'ailleurs aussi les oscillations d'un petit ressort élastique mis en spirale, l'ancre et la roue d'ancre servant à compter les aller et retour d'une minuscule toupie liée au ressort.
Le gain en précision reste essentiellement dû à l'augmentation de fréquence du système oscillant : de 2,5 à 5 hertz pour le balancier spiral, 300 Hz pour le diapason métallique, 32 768 Hz pour le diapason quartz. Celui-ci est l'équivalent d'un balancier qui oscillerait encore au bout d'un mois sans qu'on lui ait redonné le moindre élan.
Une performance due à sa nature cristalline et qui explique son exceptionnelle régularité : en labboratoire, le quartz garantit un écart ne dépassant pas une seconde en 275 ans

    Légende:

En A, la pile miniature comme source d'énergie
En B, le résonateur à quartz, vibrant à une fréquence  stable et précise de         32768 Hz
En C, le circuit intégré divise la fréquence successivement 15 fois par 2 pour arriver à une fréquence de 1 Hz soit égale à une seconde.

 Enfin un micro moteur électrique en D, est "excité" par les signaux obtenus et pas à pas il transforme les impulsions de secondes en mouvement précis qui actionnent le rouage des aiguilles en E.

2 commentaires:

  1. tout d'abord un grand merci, passionné de montres, je peux enfin comprendre, simplement comment et pourquoi cela fonctionne, bravo!!!

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  2. bonjour, je crois que j'ai oublié ce détail dans le 1er post, donc je désire savoir si on peut vous poser une question (au minimum) sur ce sujet précis, un ex.(quelle est la partie qui est la plus fragile dans ces élément) je ne sais comment vous joindre autrement, de toute façons merci..

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